
Kilos émotionnels : le lien entre poids et vie affective
Un vertige sentimental, et la balance s’emballe !
Comment l’estomac peut-il entretenir une relation aussi fusionnelle avec l’émotionnel ?
Comment expliquer l’inexplicable ?
Comment, nous, personnes, sensées, cultivées, sur-informées par des tsunamis de documentaires sur LA nutrition saine et amincissante
continuons-nous à GROSSIR ?
Nous avons tous fait l’expérience d’une journée de travail harassante, de tensions familiales stressantes, d’un entretien difficile … et d’un cookie – ou 2, ou 3, ou plus … sur le chemin du retour pour calmer la frustration et les ruminations mentales.
Douce thérapie que celle de se remplir le ventre pour compenser une insatisfaction, une colère, un chagrin, une souffrance, un vide, un stress.
Une femme sur 2 serait concernée par « l’alimentation émotionnelle », contre 1 homme sur 5 selon le American Journal of Clinical Nutrition
Très souvent, ces « mangeurs émotionnels » n’ont pas la vie qu’ils souhaitaient au départ. Ils ne sont pas nécessairement malheureux, mais cette vie ne leurs correspond pas. Ils font rarement le lien entre cette insatisfaction et leur comportement alimentaire.
Mes patients en surpoids expliquent souvent qu’ils n’ont pas un travail qui les comble, ou un lieu d’existence qui leur convient, ou une vie affective qui les nourrit suffisamment intellectuellement, spirituellement ou émotionnellement. Ils comblent ce vide à grands coups de Twix, de fromage, de bière, de glace Häagen-Dazs ;
Focalisés sur la gestion de leurs tensions et l’anxiété face à l’avenir, ils préfèrent rester dans l’action, et garder leur détresse silencieuse, l’étouffer, la baillonner. Parce que leur éducation, leur histoire les a « programmés » à manger quand ils étaient tristes, quand ils avaient peur, quand ils s’ennuyaient, ils finissent par lâcher prise en se jetant sur le premier ptit apéro qui passe ! Ils n’ouvrent pas la bouche pour parler mais ils l’ouvrent pour enfourner tristement et sans faim réelle le paquet de chips, les olives, le bol de pop corn…
C’est justement quand ils pensent tout maitriser qu’ils craquent pour un snack décadent et transforment le grignotage en acte passionnel ! Leur raison est impuissante à retenir cette irrépressible compulsion alimentaire ; elle est submergée par d’irrationnelles émotions enfouies, emprisonnées qui se manifestent comme une famine affective.
C’est en étant sans cesse en guerre avec nous-même que nous finissons par réagir de manière psychosomatique avec la nourriture.
Par l’intermédiaire des hormones, du cortisol, des neuromédiateurs, le stress chronique va ainsi nous pousser à manger bien plus que nécessaire et à stocker les calories sous forme de graisse. Toutes ces substances agissent aussi au travers de notre activité physique (en la boostant ou au contraire en la freinant) et de notre humeur. Amoureux, notre taux de sérotonine est à son maximum, nos endorphines en ébullition et nous fonctionnons en sur-régime. On déborde de joie, on brûle plus efficacement les calories, on mincit ! Déprimés, c’est le contraire. Pas de réponse à nos textos, c’est 2000 calories d’Oréos ! Notre morosité, nos angoisses, notre ennui, nos idées noires semblent reliés à notre assiette par une déconcertante et secrète connexion : Vous reconnaitrez ici le légendaire yoyo de Bridget Jones !
En effet, notre système digestif est tapissé de cellules nerveuses et donc d’innombrables relais émotionnels entre le ventre et le cerveau. L’apport de sucres et de lipides est certes apaisant mais en excès, il agirait dans notre cerveau comme des drogues dures en activant les circuits du plaisir et de l’accoutumance. C’est l’explication scientifique à l’incontrôlable débauche de M&Ms ! La « comfort food » prend un goût d’enfance, une saveur proustienne qui nous rappelle cet âge tendre où maman nous réconfortait avec une tartine de Nutella, une madeleine au beurre ! Attention, des émotions positives, une euphorie (promotion, succès variés) peuvent conduire aux mêmes débordements alimentaires (Champagne et macarons à volonté pour fêter mon nouveau boy-friend !)
Mais il ne faut pas diaboliser notre vie émotionnelle, au contraire. Il faut la laisser s’exprimer pour éviter son impact sur notre comportement alimentaire.
Pour apaiser nos craintes, apprenons à lâcher-prise ; laissons nos émotions nous entrainer dans de délicieux tourbillons de douceurs, de vertiges, d’aventures … au travers de toutes les formes d’expression qui ont motivé ceux que nous admirons : Gandhi, Mozart, Freddie Mercury, Cézanne, Frédéric Petitjean, David Ginola, Marcel Cerdant, mon père …
C’est en diversifiant nos sources de plaisirs et d’expression que nous cesserons de maltraiter notre corps et notre esprit. Apprenons à faire la paix avec nous-mêmes, à ne pas combattre nos envies, à prendre sereinement conscience de ces émotions pour en savourer leurs méandres.
Francine Joyce – diététicienne, spécialiste des troubles du comportement alimentaire
rendez-vous : 0207 370 4999