
Foie Gras, Boudin Blanc, poulardes, ganaches de chocolat … les spécialités culinaires de Noël vont-elles, au nom de la tradition gastronomique, vous métamorphoser en « ogres » ?
L’agréable simplicité de vos repas quotidiens va-t-elle dès le 24 décembre, se changer en frénésie dévorante ? Le plaisir raffiné de manger va-t-il pendant les fêtes vous transformer en monstres voraces – comme ceux de Charles Perrault et de Gustave Doré – qui abritent dans leur ventre toute leur raison d’être … et la plupart de leurs organes vitaux ?
L’ogre. Observez cette figure massive à la peau grise, verte, bleu, voire violette ou jaune – parfois couverte de pustules – et qui pèse entre 360 et 450 kg. Les cheveux gras, épais, ternes, les yeux exorbités, les veines dilatées, il dégage souvent une haleine horrible, arbore une barbe poussiéreuse où il conserve quelques restes du repas … « pour la route », en cas de petit creux !! L’ogre ne mange pas, il dévore ! Certes, il présente au-delà de son appétit débridé, des pouvoirs exceptionnels : une force extrême, une mobilité puissante, et même une immunité aux toxines qui lui permet d’avaler de la nourriture avariée voire empoisonnée sans troubles digestifs – une qualité précieuse quand la dinde n’est pas assez cuite ou quand les huîtres ont eu un peu chaud pendant le voyage … j’en conviens ! L’ogre est aussi un « bon mari » et élève ses nombreuses filles comme des princesses. Il est « trendy » aussi avec son régime hyperprotéiné 100% « chair fraiche » très à la mode ! Mais est-ce vraiment la, votre meilleure source d’inspiration ? Voulez-vous vraiment lui ressembler et laisser cette géante brute hirsute qui se laisse facilement berner (par un Petit Poucet ou par un chat botté) guider vos choix sur le menu du Réveillon, de la St Sylvestre et de tous autres ??? Aveuglé par sa folie de dévoreur ce monstre des désirs les plus primitifs ne s’aperçoit pas qu’il va égorger ses propres enfants ! Allez-vous, vous aussi, vous laisser éblouir par cet éventail infini de mille-feuilles de homard, de crèmes brûlées de Foie Gras, de poêlées de cèpes et de bécasse, de médaillons, magrets et autres confits flambés … et avaler leurs quantités effroyables de calories, d’acides gras, et de glucides cachés sans vous en rendre compte ?
Bien sûr, « dévorer » c’est aussi « aimer » vous allez me dire ; on « mange du regard » ; on est « mignon à croquer » ; on peut vous « dévorer des yeux » ! Alors cette année, pourquoi ne pas opter pour la qualité plutôt que la quantité ? Déguster plutôt qu’engloutir ? Craquer pour le raffinement et la subtilité de mets d’exception sans sombrer dans les outrances caloriques, les indigestions et les crises de foie ? Moi je vous souhaite de partager dans une ambiance de fête résolument gourmande des émotions croquantes, dorées, fruitées, caramélisées ou croustillantes et le plaisir des valeurs traditionnelles du partage chaleureux, de la solidarité et de la bonne humeur.
Francine Ganansia-Joyce, diététicienne-nutritionniste
francine@dietconsulting.co.uk
Paru dans L’Echo Décembre 2012 – Janvier 2013